Faire un Paris-Roubaix, c’est risqué… On parle de l’enfer du Nord. Raconter ce périple, l’est encore plus. Comment décrire ce voyage, sans en faire une tarte à la crème ? On la connait l’histoire… C’est du vélo, dans le Nord. Tu alternes des routes et des secteurs pavés. Il y en a une petite trentaine. Si tu es un puriste, tu fais çà au printemps pour bien profiter de la météo aléatoire… De la poussière ou de la boue ? comme tu veux mais livré à chaque fois avec du vent.
Mais la star reste LE pavé. Rugueux ou poli, historique ou réhabilité, aligné ou posé de manière aléatoire, il y a de la diversité dans cette population. C’est lui et ses copains qui écrivent l’histoire de ta journée. A chaque entrée d’un secteur, tu es à leur merci. Bien sûr, tu as ta stratégie qui consiste à rouler en tête du groupe, vite et gros braquet pour être le moins secoué possible. Tu vises le haut de la chaussée car elle est convexe. Et puis, lorsque tu es sur ce tronçon, tu pédales et tu pries pour passer au travers de la chute ou de la crevaison.
Il y a des quartiers qui ont une sévère réputation comme la tranchée d’Arenberg, Mons en Pévèle ou le carrefour de l’Arbre. Sur les autres secteurs çà secoue. Sur cela, çà secoue aussi mais plus ! Si le sort t’épargne, tu rentres en héros sur le vélodrome de Roubaix. Tu fais un tour et demi puis le visage marqué par la journée, tu files dans les douches collectives à 2 pas de l’arrivée… là où chaque vainqueur a son nom sur une douche. J’ai pris la Sean Kelly
Tout çà, tu le sais, si depuis 30 ans tu es, comme moi, devant Antenne 2 ou France Télévision tout un dimanche d’avril. Si tu as bien écouté Patrick Chêne, Robert Chapatte, Bernard Thévenet, Jean René Godart ou Laurent Jalabert, tu connais ces paramètres. Si tu as vibré pour les victoires de Gilbert Duclos Lassalle ou Frédéric Guesdon ou eu mal pour tous ces gars qui étaient étalés sur la chaussée, tu sais que cette trace est impitoyable…
Seulement je n’ai pas fait Paris-Roubaix mais un périple à vélo de Paris à Roubaix. Et çà change tout. Nous n’étions pas 150 coureurs à vouloir rentrer le premier dans Arenberg à 60 kil/h. Nous étions 3. Il y avait Guillaume, Christophe et moi. Nous avions, ce dimanche matin, fini notre échauffement de 10 kil entre le Novotel de Valenciennes et le début de la trouée. Nous nous sommes arrêtés et avons fait un selfie à l’entrée et à la sortie… puis nous sommes repartis.
Il n’y avait pas des Vlaamse Leeuw (Drapeaux flamands), des Gwen ha Du (Drapeau Breton), des cris et de la bière sur le bord pour nous ouvrir la route. Nous étions seuls au milieu des champs ou dans le flot des voitures. Nous revenions de temps en temps à la civilisation en nous arrêtant dans un troquet autour d’un café et pour remplir les gourdes.
Nous sommes revenus sans cuissards arrachés. Je n’ai même pas vu Guigui sur le bord de la route avec sa roue avant dans une main et le vélo dans l’autre. Pas drôle !
Il n’y a pas eu de ”’ouhhhhhh” à l’entrée du vélodrome. Le bruit de la cloche by Chilkoot pour le dernier tour de piste avait moins de saveurs que celle annonçant le dernier tour d’un 3000m aux interclubs en régional 4. C’est dire…
Je me suis même dit, à un moment, que j’étais bien parti pour faire un week-end Canada Dry… çà avait la couleur de Paris-Roubaix, le goût de Paris Roubaix mais il manquait l’ivresse de Paris Roubaix. Cette dinguerie qu’est la compétition… Ce schéma que je souhaitais quitter en délaissant les baskets pour monter sur un vélo, me revenait en pleine figure en signifiant que c’était l’ingrédient essentiel pour exalter les choses.
Dans la journée de samedi, j’ai même imaginé que le seul sens de ce périple ne pouvait se trouver que dans un one shot de 390kil quitte à arriver à 22h devant la grille fermée du vélodrome et passer une partie des secteurs pavés de nuit. Dans quel but ? L’exploit, le dépassement de soi, s’user jusqu’à la moelle… faire comme d’habitude… Ne jugez pas, je suis formaté. La détox sera longue.
Pourtant, ce week-end, j’ai réussi à faire différemment. J’ai roulé en coopération et pas pour faire mal au groupe. J’ai accepté de découper cette trace en 2 jours et de passer une nuit de bourgeois dans un hôtel Accor sans avoir honte. Je n’ai pas hurlé sur Christophe le dimanche matin quand il a fait une pause café à 30 kil de l’arrivée, et qu’il a perdu une partie de son barda sur le pavé au carrefour de l’arbre alors que l’on aurait pu arriver dans les premiers au vélodrome. J’ai fait 3 respi profonde (ou 5 je sais plus). Je n’ai même pas fait le sprint sur le vélodrome pour finir premier des trois. C’est grave docteur ?
Ce week-end, j’ai aussi rencontré des mecs (et une fille) qui font la même chose mais en mode un peu plus roots en dormant dans un hangar de paille, en venant au départ du périple à vélo et tant pis si çà rajoute 270 kil à la balade. Respect. Chilkoot, compagnie des Pionniers. Je comprends mieux le slogan. Merci Luc Royer de n’autoriser l’ouverture de ce vélodrome que le dimanche matin. Il demande à des hommes, comme moi, de la patience. Il permet d’apprendre que la satisfaction peut être dans le partage et surtout la modération. Je suis en transition.
Ce Week-end, l’enfer du Nord était pavé de bonnes intentions
A suivre
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